Dans le domaine des arts, le nu se défini depuis belle lurette comme l’état naturel de l’être humain - cet état qui parle éloquemment du qui et du quoi que nous sommes comme espèce humaine.
Le tout nu (nakedness), qu’il soit rattaché aux besoins de propreté ou pas, n’est pas un état d’être, mais plutôt une situation rendue inconfortable par nos moeurs - une situation soulignant nos sentiments de vulnérabilité. Le tout nu est un concept clair : il parle de ne pas être habillé, d’être déshabillé et (horriblement) possiblement scruté par d'autres. . . . Le tout nu, dans le domaine des arts, n’existe pas comme idée de base à moins que le but du dessin, de la toile ou de la sculpture dicte une représentation de l’acte du "déshabillement", du fait d’être déshabillé ou d'une démonstration d'un sentiment d’inconfort ou d'une impossibilité de se sentir “naturel”. Mais alors, pourquoi représenter la nudité? Pourquoi ne pas tout simplement “oublier” le fait que nous sommes nus sous cet habillement qui nous importe tellement? La question néanmoins demeure plus honnêtement la suivante : il ne faut pas tout simplement se demander pourquoi, mais pourquoi pas représenter le nu que nous sommes? Chez l’artiste visuel, la complexité est à la base de toute recherche. Elle doit toujours être confrontée - et par le fait même représenté. Ce corpus que nous sommes, cet emballage cutané attire, et par le fait même, ce mérite d’être étudiée et appréciée. Ce qui est simple ou facile n’attire pas l’artiste visuel. Tout ce qui est du plus bas commun dénominateur n’a aucune valeur à l’oeil d’un observateur, d’un créateur. Ce qui est facile ne pose pas de questions, n’attire ni la curiosité ni l’analyse et n’offre aucune possibilité de découverte ou de compréhension. Somme toute, ce qui est simple à l’oeil est simpliste aux yeux d’un créateur. Tout ce qui est simple minimise la curiosité et l’émerveillement. Et sans ces deux critères de survie, l’homme est appelé à l’extinction. Ce qui attire l’artiste visuel chez le nu est le lien entre sa nudité spirituelle et son jumeau physique. Un n’existe pas sans l’autre et le défi d’interpréter cette dualité complexe joue un rôle majeur dans la création d’oeuvres à base de tout ce qui se dit : nu. Un vrai artiste visuel aime entreprendre les problèmes difficiles, même si les solutions des observations envisagées sont parfois impossibles à réaliser. La forme physique ne fait pas non seulement partie de la complexité qui nous amène à questionner et analyser, elle est, par le fait même d'être, attirante. Elle attire, quel que soit son âge, sa forme, son sexe, comme le miracle, comme merveille qu’elle est. Cette fascination nous rappelle qu’il est impossible de recréer synthétiquement “l’être humain”. On peut en faire un robot presque identique, presque indépendant, mais jamais “l’âme” de l’être humain ne peut être répliquée. Baser sur cette vérité extraordinaire, ce phénomène unique que nous sommes, le nu demeurera toujours le défi de rendement majeur pour ceux et celles qui s’intéressent au dessin, à la peinture et à la sculpture. Autre que par le portrait, le nu ou la forme humaine joue aussi un rôle symboliquement unique : c. à d. : la représentation non seulement du physique, mais aussi celle de l’âme humaine universelle. Dévoilé de ses teintes culturelles ou de ses masques moralistes, le nu représente non seulement sa propre existence physique, mais aussi les éléments de base de la physicalité et de la spiritualité universelle qui unit toute l’humanité. Et si ce tout n’était pas assez pour rendre ce sujet complexe, il faut aussi lui associé cette représentation unique/universelle aux aspects mentaux, émotifs et psychologiques du tout de cette même humanité. En fin de compte, c’est cette universalité de la nudité qui intéresse l’artiste visuel. Le corps, en soi miraculeux, est le vaisseau d’un intérieur aussi miraculeux. Il n’y a jamais eu autre cadeau de Dieu plus grand que celui-ci. À l’acte de dessiner, de peindre ou de sculpter le nu, il faut rattacher aussi le côté académique de la chose. Depuis le début des temps, la forme humaine a toujours été fascinante. Et à cause de sa complexité, l’artiste visuel l’utilise dans sa recherche de l’excellence. Il se mesure souvent contre ce corps qui le fascine et rend son interprétation perplexe en même temps. Ce qui rend la chose difficile est souvent cette recherche de créer au fusain, en peinture ou au marbre non seulement l’aspect physique nu, mais aussi l’âme et le symbolisme inné de ce nu devant nos yeux. Les psychiatres et psychologues interprètent académiquement les dires de la tête et du coeur de l’humain. L’artiste visuel, lui/elle à son meilleur, fait de même, mais, ajoute à l’interprétation le côté physique, le vaisseau complexe avec tous ses paramètres et son langage ambulant qui raconte autant que les mots et les pensées. Alors, quelle représentation est la plus vraie? Lorsqu’on abandonnera cette recherche intime de l’être humain, nous perdrons une langue d’interprétation qui est à notre porter. Sans cette étude, nous abandonnerons aussi la possibilité de nous connaître à fond. Ironiquement, notre ère en est une qui embrasse et la haine et la peur du corps et ça enrobée d’une obsession de manipuler et de massacrer son essence. On a tellement besoin d’avoir les choses prescrites et simples et faciles qu’on oublie la richesse devant nous - cette richesse qu’on semble vouloir plus virtuelle que réelle et surtout. . . sensuelle. Il est donc de plus en plus important de comprendre la différence entre le nu et le tout nu. Sinon, nous entreprenons une course frénétique vers une fin prochaine - une impossibilité de se comprendre, et le maintien d’une peur de soi-même qui nous envahira. |